UNE EXPOSITION: THE ABSENT MODEL

Aujourd'hui, je suis heureuse de vous parler d'une exposition organisée à Londres par une de mes amies et ancienne camarade de classe, Tory Turk.

Tory est styliste et travaille dans l'événementiel de la mode tout en essayant de s'exprimer en tant que curateur depuis le master que nous avons suivi ensemble au London College of Fashion.

Pour notre projet de fin d'études, nous devions imaginer et concevoir (théoriquement) toutes les étapes d'une exposition de mode, Tory avait travaillé sur un concept intéressant, analysant le travail souvent peu connu du styliste dans la photographie de mode (n'est-ce pas Charley?).

Grâce à une bourse de l'Arts Grant, elle a la chance de pouvoir concevoir son exposition "pour de vrai", ce jeudi 21 octobre, à Londres. Je sais que nombre d'entre vous ne pourront la voir mais je pense que ça vaut le coup d'en parler puisque le thème est très intéressant et soulève beaucoup de concepts à explorer.
En effet, pour "The Absent Model",Tory prend le parti de juxtaposer des images de mode créées pour cette exposition et photographiées par Jessica Warren, avec leur représentation réelle identique mais sans corps: évidemment pas la mannequin de la photo mais pas un mannequin ou Stockman..., non plus. Elle a photographié les tenues à l'endroit même où aura lieu l'expo, la mise en scène des photos et des installations sera donc identique.

Photographie de Carmen Gray

Ce choix, tout en interrogeant le rôle essentiel de la styliste, met aussi en lumière l'aspect crucial de l'exposition de mode qui est l'absence de corps humain.
Lorsqu'on expose une peinture ou une sculpture, elle est présente dans son essence même, dans sa totalité, face au visiteur; le jeu est bien plus complexe pour le vêtement qui, lorsqu'il est exposé, perd toute son essence qui est de vêtir un corps, de vivre avec un corps...il perd une partie de son identité.
Tory, en ôtant complètement toute idée du corps dans son installation, prend le parti d'ôter de la vie aux vêtements, de représenter une réalité quasi-morbide aux visiteurs et seules les photographies adjacentes leur permettent de les resituer dans leur contexte originel.

Tout ce débat est un sujet passionnant que nous traiterons de nouveau sur ce blog, en attendant, je vous invite à lire une interview qui  précise son projet:

Pourrait-on se référer à ton exposition comme étant un concept d’art contemporain ou n’en parlerais-tu seulement comme étant une exposition de mode ?

Je la vois comme une exposition d’art présentant des "installations de mode".

Ton exposition met en lumière l’importance du rôle du styliste dans la construction d’images de mode. Ton activité en tant que styliste, toi-même, influence-t-elle ton travail en tant que curateur ? Stylises-tu une exposition comme tu le ferais sur un shooting ?

J’aime être associée à la construction (faire partie) d’une belle image. Toutefois, je pense que le stylisme peut être frustrant car nous ne sommes vus que comme ‘les personnes qui s’occupent des vêtements’, tandis que l’exposition donne un plus grand pouvoir : le stylisme est lié à la volonté de gagner de l’argent, que ce soit pour soi, une marque ou une publication, et exposer, c’est mettre en évidence ses idées.

Enfin, tes installations mettent en avant l’importance du travail de styliste mais aussi le rôle crucial du   corps (réel ou faux) en soulignant son absence. Que penses-tu du débat concernant les expositions de mode et le corps ? Es-tu plutôt pour des mannequins réalistes ou au contraire, préfères-tu montrer la réalité au visiteur et donc, l’absence de corps ?
Je pense que lorsqu’on expose des vêtements, leur forme et leur rendu sont les éléments les plus importants à présenter (ou non comme ici) ; le style du mannequin d’exposition n’apporte rien, le plus simple est le mieux. « The Absent Model » est sur l’absence et c’était donc crucial que la forme séductrice du corps (comme on désire qu’elle le soit dans une image de mode) soit détruite et perdue, d’une certaine manière. Le fait que les vêtements apparaissent coupés de la réalité et « usés », est important, à mon sens afin de créer l’atmosphère inquiétante voire sinistre des installations. La forme et le rendu des vêtements ont disparu, tout comme la mannequin apparaissant tel un esprit. Son corps au sein des photographies de mode hante la réalité des vêtements exposés sous les yeux des visiteurs.

Je vous invite donc vivement à découvrir l'expo de Tory si vous le pouvez, sinon je posterai des photos une fois qu'elle sera achevée (on va pas tout vous dévoiler tout de suite quand même!).