mercredi 10 janvier 2018

LES IMPORTUNÉES...


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Cela fait un moment que l'on réfléchit au nouveau souffle que l'on voudrait donner au blog, une nouvelle orientation, une évolution. Vous le savez, ce n'est pas la première fois qu'on l'évoque...On a vieilli, on a mûri, on a moins de temps à lui consacrer mais ce n'est pas pour autant qu'on veut l'abandonner, seulement faut-il qu'on lui insuffle une nouvelle énergie, une dynamique qui correspondrait plus aux femmes que nous sommes devenues. Après moult reflexions et conversations, il y a bien un truc qui revient toujours sur le tapis, c'est le nom que porte ce blog, son importance et sa définition. Et de plus en plus, on s'est dits qu'on avait envie de l'étendre cette sororité, accueillir d'autres "sisters" par ici. Et c'est vers ça que l'on va aller, lentement mais surement. On en reparlera le moment venu mais il y aura du changement et certainement un dialogue plus dans l'air du temps...

On vous dit ça aujourd'hui parce le post qui va suivre est lié à cette envie, disons qu'il peut en être un avant-gout, une mise-en-bouche. Il nous est difficile en tant que femmes, trois femmes qui partageons ce blog, de nier les actualités qui parlent de nos droits et de notre condition. Certains voudraient qu'un blog mode et lifestyle comme l'était exclusivement le notre à ses débuts s'en tienne aux sujets légers et aux looks de rue mais (et parce que le blog va peu à peu évoluer vers cela) comment se taire quand tant doit être dit? Nous sommes trois soeurs et nous en avons une petite dernière, nous avons une mère et des tantes, une grand-mère et des cousines, des amies, des connaissances...et quand les langues se délient, que d'histoires entendons-nous, quelles conversations passionnantes, quels débats enflammés. Alors, on s'est dit que ces sujets-là avaient pleinement leur place ici.

Ce qui nous a hérissé le poil c'est cette triste tribune parue dans Le Monde hier, une tribune amère rejetant un soi-disant féminisme haineux des hommes, clamant un droit d'importuner, en réaction au mouvement #metoo dont nous avions parlé ici-même.

C'est quand même dommage cette tribune publiée alors que la veille des milliers, voire des millions de femmes s'étaient senties ragaillardies, enivrées, inspirées, affirmées, par le magnifique discours d'Oprah Winfrey au Golden Globes, sans parler de ce mouvement collectif, Time's Up et ces dizaines d'actrices vêtues de noir. Ca avait de la gueule, bordel et ça a fait un bien fou. Et puis, le lendemain, consternation, on découvre cette tribune signée entre autres par Catherine Deneuve, Catherine Millet ou encore Brigitte Lahaie...Et on se dit que non, c'est une farce, une erreur d'impression, une fake news même. Mais non, c'est bien réel, des femmes, tout de même intelligentes et cultivées, ont décidé de venir défendre les pauvres mâles opprimées, vilipendés depuis l'affaire Weinstein, des hommes qui n'osent plus nous draguer ou prendre un ascenseur seuls avec nous. Quel retournement de situation! On se disait bien qu'il en était fini de la société patriarcale mais de là à ce que ça aille aussi vite. J'ai du rater un épisode...
Beaucoup de choses font mal dans cette tribune. 
Il y a cette confusion des sujets, maladroite et écoeurante, comme si une femme mettait dans le même panier une drague légère, flatteuse et délicieuse et un pénis qui vous est quand même totalement inconnu qui se frotte avec insistance sur vous pendant que vous êtes tranquillement accrochée à la barre d'une rame de métro bondée. Qu'un homme avec qui vous flirtiez pose sa main sur votre genou ou vous vole un baiser est charmant mais si cet homme est votre patron ou un collègue, c'est inadmissible. 
Il y aussi ce mélange du tout et du n'importe quoi quasi nauséabond, on y intègre la pédophilie quand la tribune évoque la censure artistique, ou cette incursion du fanatisme religieux soi-disant nourri par la fièvre provoquée par les enragées qui ont osé dénoncé leurs aggresseurs. 
Il y cette idée sous-jacente qu'en fait les femmes sont totalement stupides après tout, qu'elles sont incapables de faire la différence ou de hiérarchiser les événements de leur vie. Merci chère Catherine de le faire pour nous. A titre personnel, je me fais parfois siffler dans la rue ou un garçon va me dire que je suis charmante, c'est lourd mais ça passe...Par contre, quand je me suis faite agresser, frapper, insulter, toucher...j'ai su que j'avais eu à faire à de la violence, pas un non-évènement, et aujourd'hui, il ne me viendrait pas à l'esprit de mélanger ces sujets graves avec des anecdotes triviales. C'est mettre en doute l'habilité des hommes et des femmes de savoir distinguer le bon du mauvais, le tolérable et l'intolérable. Mais l'éducation et l'instinct font que les hommes, les bons, ceux qui respectent savent exactement ce qu'il ne faut pas faire ou dire...Si on met en doute cette zone d'ombre, cette ambiguïté...alors c'est que justement on est sur une pente glissante.
Il y a aussi cette opposition féroce entre le bon et le mauvais féminisme. Il y a la féministe cool qui met du rouge à lèvres et drague les mecs et de l'autre côté, celle qui a du poil aux aisselles, le cheveu gras et qui méprise la gente masculine. Parce qu'en fait, on en est encore là en 2018? C'est complètement occulter le mouvement féministe français contemporain accompagné par des figures charismatiques comme Lauren Bastide.
Et cela me mène à une autre pensée présumée dans cette tribune pathétique: le mythe de la mal-baisée. Et oui, on va parler cul les amis! Parce que forcément une femme qui ne veut pas qu'un parfait inconnu la tripote, c'est une femme qui refuse la séduction, le désir, la sexualité. Oui parce que dans cette tribune, on confond avec jubilation, séduction et harcèlement. Alors, la tribune nous dit qu'une "femme peut, dans la même journée, diriger une équipe professionnelle et jouir d'être l'objet sexuel d'un homme, sans être une salope"...Mais en fait qui a dit le contraire? Quand est-ce qu'une femme du mouvement #metoo a-t-elle fait intervenir une sexualité intime et des choix personnels dans son discours? Qui a dit qu'on ne pouvait pas aimer le jeu de dominant/dominée dans la chambre à coucher? Une féministe, ça aime aussi l'érotisme et la sexualité, une féministe hétérosexuelle a autant envie de faire l'amour avec un homme que vous chère Catherine Millet, une féministe ça veut aussi donner du plaisir, une féministe ça s'agenouille aussi devant un homme si l'envie lui en prend (je savais que ce post allait devenir olé-olé)...Et non, ça ne traite pas de salopes celles qui le font. Qu'il est triste de mélanger violence et sexualité. Qu'il est dommageable de confondre désir et contrainte.
Et enfin, ce pamphlet sur la victimisation si irrespectueux des femmes qui ont eu le courage de parler et dénoncer. Aucune femme ne prend plaisir à être "une pauvre petite chose, éternelle victime" comme c'est si joliment dit dans la tribune. Si elles sont des victimes, c'est qu'il y a des coupables mesdames!

Vous le constaterez, on est remontées mais y'a de quoi, on pourrait décortiquer cette tribune des heures et rebondir sur tant de choses mais ce serait trop long. Ce qui est décevant dans tout ça, c'est qu'un journal comme Le Monde ait pu publié un tel texte. Qu'il ait pu donner une parole aussi aigrie, déconnectée et archaïque. Les femmes qui ont signé cette tribune pensent galanterie et libertinage du haut de leurs tours d'ivoire germanopratines et s'offusquent de faits que, finalement, elles connaissent bien mal. Que celui ou celle qui a croisé Catherine Deneuve sur la ligne 13 récemment lève la main! 

Mais aussi ce qui nous gêne c'est qu'encore une fois la femme est la pire ennemie de la femme. Qu'on oublie qu'on est toutes dans le même camp. On a le droit de ne pas penser ou ressentir pareil mais on doit se serrer les coudes pour mieux se libérer.
Ici, aucune de nous n'est hostile aux hommes, bien au contraire. Parce que pour une grande majorité d'entre eux et ceux qui nous entoure, ce sont des êtres merveilleux, que l'on se plait à aimer, à séduire, avec qui on rit, on discute, on refait le monde...
Parce que cette tribune, est-ce qu'elle ne les stigmatise pas aussi finalement? En les faisant passer pour des être dénués de pensée, de sentiment, des individus aux pulsion incontrôlables. C'est leur donner une bien déplorable image.

On est tristes et déçues qu'en 2018 de tels discours soient encore prononcés et, même si on défend coute que coute la liberté d'expression, honte à toi Le Monde d'avoir été le complice d'un tel torchon parce que là, c'est clairement ta bande de femmes arriérées qui nous a importunées. 

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